Introduction
Les lésions tendineuses sont fréquentes au niveau des muscles de la coiffe des rotateurs chez le sportif. Il s’agit le plus souvent de tendinopathies non rompues. La fréquence de ces tendinites augmente avec le niveau de la pratique sportive. Le traitement de rééducation est préconisé d’emblée. Il est essentiellement basé sur le traitement de la douleur, l’utilisation de techniques favorisant la cicatrisation et le traitement étiologique de la lésion.
I – Traitement de la douleur
Quelles soient médicales ou de rééducation, les différentes possibilités thérapeutiques n’ont jamais été réellement évaluées ou comparées entre elles. Il n’est donc pas possible de proposer un schéma défini. Le thérapeute a le choix entre différentes possibilités :
– le repos relatif nous semble indispensable afin d’éviter le réveil des phénomènes douloureux .
– le traitement per os, antalgique ou anti-inflammatoire non stéroïdien, garde une place.
– les traitements locaux sont essentiels. Les infiltrations de corticoïdes en péri-tendineux doivent être réservées aux formes hyperalgiques. Elles sont intéressantes si elles sont effectuées en nombre raisonnable et avec une technique irréprochable. La voie sous-acromiale est utilisée pour les atteintes du sus et sous-épineux. L’infiltration est intra-articulaire dans les atteintes de la longue portion du biceps. Les massages transverses profonds (MTP), selon la technique de CYRIAX, ont une action antalgique. Ils favorisent également la cicatrisation en créant une réaction de vasodilatation locale.
Les agents physiques, le froid ou le chaud ont une action antalgique et/ou myorelaxante bénéfique. Leur durée d’application est de 15 minutes. Les ultra-sons, l’électrothérapie à visée antalgique (courants de basse fréquence) ou sous forme d’ionisations ont, comme les ondes courtes et les ondes centimétriques (ou radar), un rôle d’adjuvant thérapeutique intéressant.
II – Traitement visant à faire cicatriser le tendon
De nombreuses études se sont intéressées à l’effet de certaines médications (AINS, vitamines, facteurs de croissance…) sur la cicatrisation tendineuse. Aucune n’a établi de façon formelle l’efficacité d’un traitement médicamenteux sur la cicatrisation tendineuse.
La rééducation est, à ce jour, le seul moyen qui permet d’aider la cicatrisation conjonctive :
– en favorisant la vascularisation locale.
Le massage transverse profond et un travail musculaire concentrique prolongée avec petite résistance sont à l’origine d’une augmentation de la vascularisation locale. L’augmentation du débit sanguin local permet l’apport des éléments indispensables à la reconstruction tissulaire. Le travail musculaire doit respecter la règle de la non douleur.
– en orientant les fibres de collagènes.
L’étirement passif progressif est responsable de phénomènes de traction. Cette traction oriente dans l’axe musculo-tendineux la cicatrice conjonctive. Ce travail doit être progressif et contrôlé afin de ne pas compromettre la cicatrisation par des étirements intempestifs. (photo:epa013)
– en évitant l’altération du système proprioceptif
L’immobilisation est responsable d’une altération des fuseaux neuro-musculaires, source de sidération, d’atrophie et de rétraction musculo-tendineuse. Il faut donc proscrire toute immobilisation stricte, qui n’a aucune justification dans ce cadre lésionnel, et proposer un travail musculaire pour maintenir le système proprioceptif en état d’éveil.
III – Traitement Etiologique
Le traitement de rééducation doit être adapté à la physiopathologie de la lésion. Son rôle va être d’éviter les récidives lors de la reprise de l’activité iatrogène. Il dépend de la croyance du thérapeute.
1 – Théorie de Neer
Pour Neer, il existe lors des mouvements d’abduction-rotation d’épaule, un conflit entre la coiffe des rotateurs et le bord antéro-inférieur de l’acromion et du ligament acromio-coracoïden.
3 stades évolutifs sont décrits :
– le stade I se caractérise par un oedème et une inflammation de la coiffe.
– au stade II, on note l’apparition d’une fibrose et de micro-ruptures tendineuses. Les lésions sont alors irréversibles.
– le stade III correspond au stade ultime de la détérioration tendineuse qui aboutit à la perforation trophique de la coiffe des rotateurs.
BIGLIANI et MORRISON, de même que SARAGAGLIA, ont mis en évidence, chez le cadavre, la fréquence de l’association rupture de coiffe/variation morphologique de l’omoplate : débord acromial, segment horizontal du processus coracoïde plus long, distance acromion-coracoïde abaissée… Ces résultats tendent à confirmer l’hypothèse de NEER. Ils justifient l’indication d’une rééducation visant à prévenir le conflit qui associe :
– un travail de relâchement du deltoïde pour lutter contre sa composante ascensionnelle sur la tête humérale (photo:epa005)
– un renforcement des muscles abaisseurs longs : grand pectoral et grand dorsal (photo:epa017)
– un travail dit en décoaptation ou travail de recentrage dynamique de la tête humérale. Cette technique consiste à demander au patient, lors de l’ébauche de mouvement d’élévation de l’épaule, un travail en co-contraction du grand pectoral et du grand dorsal qui abaissent la tête humérale.
– la rééducation proprioceptive qui a pour but d’inclure dans le schéma moteur du sportif le contrôle de la tête humérale (photo:cnm004)
2 – La théorie de JOBE
Pour JOBE, c’est l’instabilité de l’épaule qui fait le lit des tendinopathies de la coiffe des rotateurs. La fréquence de l’association laxité/tendinopathie est à l’origine de cette hypothèse Les raisons de l’inflammation tendineuse ne sont pas clairement énoncées. La laxité peut être à l’origine d’un conflit secondaire entre la coiffe et la voûte acromio-coracoïdienne ou bien être responsable d’une surcharge de travail au niveau de la coiffe des rotateurs. Pour FOWLER et WEBSTER, il existe, en plus de la laxité, un déséquilibre musculaire qui favorise la survenue d’épisodes de subluxation d’épaule, source d’inflammation tendineuse.
Le travail de rééducation doit associer :
– un travail analytique des muscles stabilisateurs de l’épaule : sous-scapulaire en cas de laxité antérieure, sous-épineux et deltoïde postérieur, en cas de laxité postérieure, Deltoïde et sus-épineux en cas de laxité inférieure, l’ensemble de ces muscles en cas de laxité multi-directionnelle.(photo:epa011) (photo:epa012)
– un rééquilibrage musculaire en cas de déséquilibre
– un travail de proprioception qui doit permettre de contrôler l’épaule en position d’instabilité.(photo:cnm005)
3 – La théorie de Gilles WALCH
G. WALCH a mis en évidence l’existence d’un conflit entre la force profonde du sus-épineux et la partie postéro-supérieure du rebord glénoïdien dans la position de l’armée. Ce conflit est favorisé chez certains, par l’existence d’une dysplasie de la glène de l’omoplate. L’existence de ce conflit pose, pour le rééducateur, un difficile problème de traitement étiologique. Ce conflit est peut être favorisé par un défaut d’adduction de l’omoplate dans la position de l’armée ?
L’on peut proposer un renforcement des trapèzes associé à une rééducation proprioceptive en position de conflit. (photo:epa014)
La modification du geste technique nous paraît être la solution la plus adaptée à cette pathologie mais peut-on la proposer à un sportif compétiteur ?
4 – La théorie du rôle de l’activité musculaire excentrique
C’est le manque de résistance à l’étirement des muscles de la coiffe des rotateurs lors du geste sportif et la réalisation d’un travail excentrique prolongé qui est responsable de la tendinopathie.
Cette théorie repose sur plusieurs constatations :
– Il existe une similitude entre le Delayed Onset Muscular Soreness (D.O.M.S.) ou douleur musculaire d’apparition retardée, décrit dans la littérature et la tendinite au stade de début (Stade I dans la classification de BLAZINA) Dans les deux cas, la douleur survient dans les heures qui suivent l’arrêt de l’exercice qui sollicite de manière prolongée le complexe musculo-tendineux en étirement (travail musculaire excentrique).
– Lors des gestes de l’activité sportive, le sus-épineux, le sous-épineux et la longue portion du biceps ont une action antagoniste, frénatrice du mouvement. La position de départ s’effectue en abduction-rotation externe d’épaule et en flexion de coude. Il existe, lors du mouvement, une action concentrique plus ou moins rapide, plus ou moins répétitive des abaisseurs et des rotateurs internes de l’épaule ainsi que du triceps.
Il s’en suit des lésions d’origine mécanique et/ou métabolique au niveau des tendons de la coiffe des rotateurs qui freinent le mouvement. La tendinopathie a alors les mêmes origines que le D.O.M.S.
Une origine mécanique, par hyper-étirement.
Une origine métabolique d’explication plus délicate. Les lésions de nécrose musculaire, après un travail excentrique prolongé, s’étendent lors des 72 heures qui suivent l’arrêt de l’activité. Cette extension peut s’expliquer par la libération in situ d’hydrolases dues aux lésions de la membrane cellulaire.
RATHBURN et MAC NAB ont montré l’absence de vascularisation de la coiffe des rotateurs lors des gestes sportifs.
La théorie vasculaire de la tendinopathie garde donc toute sa place, d’autant plus que l’activité musculaire excentrique, de par le particularisme du mode de contraction musculaire (peu ou pas d’utilisation d’ATP), ne rend pas nécessaire une augmentation du débit sanguin local contrairement au travail concentrique. Ainsi, une insuffisance de résistance à l’étirement des tendons de la coiffe des rotateurs explique la lésion lors d’un effort brutal (prédominance du facteur mécanique) ou prolongé (prédominance du facteur métabolique).
La prévention de la tendinopathie rend nécessaire l’utilisation d’un protocole quantifié et contrôlé de renforcement excentrique du tendon lésé.
Ce travail a pour but d’améliorer la résistance à l’étirement du complexe musculo-tendineux et lui permettre de résister aux contraintes liées à la pratique sportive. Il ne peut être envisagé que sur un tendon indolore sous peine de voir s’aggraver la lésion (le travail excentrique est responsable de la lésion). Le travail peut débuter quand la contraction statique en course externe est indolore. Les protocoles utilisés doivent suivre les recommandations de STANISH qui préconise un travail à résistance et vitesse progressivement croissantes .
IV – Conclusion
La théorie de NEER, de l’existence d’un conflit sous-acromial, pour expliquer la physiopathologie des lésions de la coiffe des rotateurs chez le sportif, est aujourd’hui très discutée.
La plupart des praticiens ont pris fait et cause pour la théorie de JOBE qui rend responsable la laxité d’épaule. Cela n’empêche pas l’existence d’autres hypothèses car la relation entre laxité et tendinopathie n’est pas clairement définie. G. WALCH s’appuie sur l’imagerie pour mettre en évidence un conflit entre le sus-épineux et la portion postéro-supérieure du rebord glénoïdien, alors que l’analyse du mouvement montre que la coiffe des rotateurs a un rôle frénateur du mouvement. La pratique sportive créant un déséquilibre entre la force ou la puissance des muscles agonistes et la résistance à l’étirement des muscles antagonistes. Cela modifie le schéma thérapeutique de ces lésions. Le traitement conservateur s’appuie sur une période de repos relatif et un traitement de rééducation associant massage transverse profond, physiothérapie et travail musculaire concentrique avec petite résistance à visée circulatoire. Afin d’éviter les récidives, le thérapeute dispose de plusieurs possibilités. Si la théorie de JOBE semble regrouper le plus de suffrages et rend nécessaire un travail des muscles stabilisateurs de l’épaule, il est justifié de proposer un travail excentrique des muscles de la coiffe afin d’améliorer leur résistance à l’étirement et de les rendre plus performant dans leur rôle de frénateur du mouvement
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